• Le regard vide.

    Réponse à un défi où le thème était un texte court sur la folie ! J’espère que ce texte plaira. (Je l'ai écrite en fin d'année 2018.) Musique conseillée pendant la lecture

     

    Aussi longtemps que je me souvienne, je n'avais jamais eu envie d'être comme les autres. J'avais toujours cette envie presque folle, d'être systématiquement effrayante, mystérieuse. Et je remarque qu'aujourd'hui, je m'en mords les doigts. Au sens propre. Je me demande comment un simple désir enfantin un peu ridicule, a pu en devenir une obsession au fil du temps.

    C'était un jeudi soir. J'étais dans le bureau de ma psychiatre et comme à mon habitude, la séance était rendue inutile par mes réponses incohérentes, vagues, aux nombreuses questions de ma psy. Chaque fin de séance se terminait par le soupir désespéré de mon aliéniste. Elle ne savait plus quoi faire. Tous les jeudis, j'arrivais avec le même visage. Creux, pâle. Les yeux complètements vides, la bouche sèche, les bras ballants et mes longs cheveux noirs emmêlés virant au gris. On aurait pu me comparer à un mort-vivant mais non, j'étais juste diagnostiqué comme souffrante de dépression dysthymique et de schizophrénie. Alors, les fois où j'étais assise sur la vielle chaise grinçante de son bureau, je faisais des réponses brèves, presque inaudibles, en chuchotant. Je ne voulais pas nécessairement être aidée et pourtant, j'y allais. Une partie de moi en avais besoin du moins, je crois.

    Mais ce soir là, je ne me sentais pas comme d'habitude. A vrai dire, je ne savais même pas si le terme "sentir" était correct car je ne ressentais...rien. Je n'avais pas de migraine insupportable, je n'entendais pas de voix étranges à l'intérieur de ma tête qui me clamaient des idioties et je n'éprouvais même aucun stress. Ce stress qui, d'habitude, me donnait des vertiges à en vomir. Et pourtant, j'avais l'impression que c'était mauvais signe.

    Je rentrai chez moi, la nuit noire venait arracher les dernières lueurs du soleil dans un coin d'impasse. Le vent gémissait. Son cri agonisant était le seul bruit que l'on entendait dans les rues avec le claquement de mes talons sur le goudron froid et rugueux du trottoir sur lequel je marchait.

    J'ouvrai ma porte et rentrai dans mon appartement. Je constatai encore qu'il était complètement sans dessus dessous. Pourtant, encore une fois, je ne me souvenais de rien. Ni d'avoir renversé la table, ni d'avoir griffé le mur. Mais je ne suis pas idiote, je savais bien que c'était moi qui avait fait tout ceci. Sinon, pourquoi irais-je voir une psy ? Une larme vint glisser sur ma joue sans que je n'en sache la raison. Malgré le désordre, je marchais entre les obstacles, jusqu’à mon canapé heureusement encore intact. J'allumai la télévision sur une chaîne au hasard et rivai mes yeux sur l'écran, observant les pantins bouger en s'esclaffant devant leur débilités. Le moment des pubs arriva. Vu le temps que je passais devant ce foutu écran, je les connaissais quasiment toutes par cœur. Et pourtant, la pub qui passa à l'instant me parut nouvelle. Je ne me souviens plus de quoi elle parlait, mais elle attira soudain mon attention. Un homme, était assis sur une chaise, dans une pièce entièrement noire. Il avait un regard insipide, semblable au mien. Un son sourd émanait du téléviseur. L'homme semblait me fixer. Soudain, je sentis quelque chose se fissurer en moi. J'eus une horrible douleur à la poitrine. Je regardais autour de moi, du sang coulait le long des murs, ma vision se brouilla légèrement et des murmures commencèrent à se faire entendre de toutes parts. Mon cœur s'accéléra. Des ombres noires semblaient danser et rire autour de moi. Je savais ce qui m'arrivait et je savais ce que je devais faire. Prendre mes médicaments dans la salle de bain; que j'avais d'ailleurs oublié de prendre aujourd'hui. A moins que je ne l'avais fait exprès. Mais bouger m'étais impossible. Ma vue était obstruée par une tâche floue, qui ne me laissait qu’apercevoir des formes imprécises. De plus, la douleur dans ma poitrine était si insoutenable que je n'arrivai presque pas a me concentrer sur autre chose. Les voix que j'entendais se faisaient de plus en plus nombreuses et me désorientaient totalement. Je pris ma tête entre mes mains pour tenter de me calmer. Les masses noires autour de moi semblaient maintenant me vouloir du mal. Je devais absolument trouver un moyen de me défendre. Je rampais difficilement essayant d'atteindre la cuisine. La tâche était rendue encore plus difficile à cause des nombreux objets éparpillés dans le salon. Néanmoins je parvins a ce qui semblait être le placard ou se trouvait les couverts. Je pris dans mes mains tremblantes, un grand couteau de cuisine. Je lançai un regard terrifié en direction des ombres qui occupait mon séjour. Elles étaient toujours là, me fixant de leur yeux blancs, immobiles. Je pris mon courage à deux mains, me levai brusquement et courus tête baissé, le couteau en avant vers ces choses. Mon arme semblait les atteindre, et pourtant j'avais l'impression que c'est à moi qu'on enfonçait la lame dans le ventre.

    Le lendemain aux infos, la voix monotone du journaliste annonça :

    -Une jeune fille d'une vingtaine d'années à été retrouvé morte ce matin, à son domicile. Elle semble avoir été poignardée au niveau du ventre. Les causes de la mort sont semblables a un suicide mais pourtant, les lieux révèlent une scène de lutte. Notre envoyé spécial va vous communiquer les dét-

    Le jeune homme coupa son téléviseur. Dans ses yeux, on pouvais y voir du vide.

     


    votre commentaire


    Suivre le flux RSS des articles de cette rubrique
    Suivre le flux RSS des commentaires de cette rubrique